A la recherche des améthystes "perdues de vue"
A la recherche des améthystes "perdues de vue" :
DES AMETHYSTES CANTALIENNES ?
S’il apparait très rare voire impossible de rencontrer des améthystes cantaliennes dans des collections de particuliers… Les quelques spécimens qui subsistent au muséum national d’histoire naturel résultent comme des preuves palpables de l’existence de ce minéral dans le Cantal.
Tout commence par la découverte de cristaux violets, sur un sentier menant au Puy Griou, faite par l’abbé de Saint Jacques des Blats.
Bien rapidement, le gite semble être retrouvé et étudié, il en est fait allusion par Lacroix, dans La minéralogie de la France et de ses colonies, de 1892. Il parle de cristaux d’améthystes libres, dans une gangue d’andésite altérée riche en pyrite, situés non loin du village des Chazes (le long d’un sentier et non loin d’un ruisseau nommé « Peiras Lucentas » ( Pierres luisantes en patois)).
Il parle de cristaux bipyramidés atteignant une hauteur maximale de 4cm. Il récolte à l’époque quelques spécimens, ceux qui reposent aujourd’hui, au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris.
Cependant, si les spécimens paraissaient être abondants fin XIXème, depuis les descriptions de Lacroix, ce gite n’apparait plus dans aucuns autres récits minéralogiques. Dans les anciennes collections, on ne retrouve point de spécimens. Le doute s’installe sur la véritable identité des Améthystes cantaliennes. Etrangement, le lieu semble avoir été oublié ou perdu ! Oublié ? Pas totalement. Il apparait que de nombreuses recherches ont été effectuées par nombres de minéralogistes amateurs ou non. Cependant, aucuns résultats satisfaisants n’ont été divulgués de nos jours. Raison de plus pour continuer à chercher.
Des recherches ont été effectuées en faisant référence aux écrits de Lacroix. Ceux-ci semblent plutôt simples, la localisation du gite elle, ne l’est point du tout aujourd‘hui. Je me lançais tout d’abord dans une analyse des indications de Lacroix, cherchant un problème de toponymie, d’altitude…
Ceci m’amena à un travail de terrain débuté courant été 2008.
Je pus constater plusieurs choses: Tout d’abord, il existe deux villages à l’appellation Chazes de nos jours, les Chazes-Hautes et les Chazes-Basses. Ainsi, il paraissait assez difficile d’établir, lequel de ces deux villages, eut été évoqué à l’époque. Cependant, j’ai pu éclaircir cela grâce aux altitudes.
Lacroix nous indique que le gite se situait entre le village et le Puy Griou, à une altitude de 1044m. Or, les Chazes-Hautes se situent à 1130m. J’ai tout de même prospecter au dessus de ces 1130 mètres, touchant l’hypothèse, qu’il s’était trompé d’une centaine de mètres.
Je ne trouvais rien.
Puis, je partis du village « bas » en remontant de la Nationale, située à 1040 mètres.
Sur un chemin montant au Puy Griou, je ramassais quelques spécimens de trachy-andésites pour une observation binoculaire. Ces roches n’étaient pas altérées et je ne constatais aucune présence de pyrite.
Cependant, ce chemin de randonnée, semblait connaitre des liens concrets avec les anciennes descriptions: il est traversé par un ruisseau -plutôt un ru dirons-nous- et son altitude figure entre 1040 et 1060 mètres environ.
Ce n’est qu’en 2009, après une observation à l’œil nu, sans résultats, que je retrouvais, grâce à la binoculaire, de l’Améthyste micro (1 mm maxi sur les premiers spécimens et jusqu’à 3mm par la suite). L’améthyste n’est pas seule, elle est accompagnée de Sidérite orangée à ocre (voire noire si présence de fer sous forme de goethite). Lacroix parle de la présence de Dolomie dans le secteur; probable ! Cependant, je ne l’ai pas rencontrée, au contraire de la Calcite, qui se retrouve dans des trachytes en contrebas de la nationale.
En association avec l’améthyste, on observe la présence très fréquente de cristaux de trydimite blancs, d’assez grandes tailles ( 0,4 mm maxi) et très probablement de Cristobalite en aiguilles blanches.
La description des améthystes correspond en partie aux observations de Lacroix, à ceci près, les cristaux dans la gangue actuelle ne dépassent pas l’ordre du micro. Les cristaux ne sont pas toujours violacés, ils apparaissent parfois sous la forme de cristaux de quartz déformés. Les cristaux d’améthyste sont plus ou moins colorés. L‘établissement des cristaux dans les petites cavités varie. Ils s’établissent parfois en des groupes de petits cristaux simples tapissant avec la sidérite des petites géodes. Dans d’autres cas, les cristaux peuvent être maclés et tiennent une couleur variable dans le cristal, allant d’un blanc violacé à un violet plus marqué dans sa pointe. Les cristaux sont parfois biterminés et sont rarement sceptres. Dans ce dernier cas, ils sont parfois biterminés et sceptres, certainement cela correspond à la qualification « bipyramidés » de Lacroix.
Cristal d'améthyste biterminé et sceptre au centre (2009).
A priori, si la proximité avec le gite de Lacroix se fait forte, il apparait probable que ces cristaux n’aient guère de liens avec leurs ancêtres découverts fin XIX ème. Cependant, ceci connote l’existence assurée d’améthyste dans le Cantal. Il aurait existé un autre gite à améthyste dans le secteur Saint Illide, dans une carrière qui, aujourd’hui, n’existe plus.
En conclusion, il apparait nécessaire d’être passionné, car s’il est difficile de trouver, il ne faut pas avoir peur d’user de son temps pour rechercher. Les recherches au niveau du Puy Griou m’encouragent à continuer un travail de terrain qui a déjà, plus ou moins, porté ses fruits.
En ce qui concerne les améthystes de Lacroix, j’émets l’hypothèse que la construction d’un pont à proximité, début XX ème, plus les aménagements autour de la nationale dans les années 80 et 90, puissent avoir détruit ou recouvert le gite. Plus simplement, l’érosion due au passage sur le chemin de randonnée, associée à la fragilité de la gangue (mise au contact de l’air libre depuis près de 120 ans maintenant), puisse expliquer la disparition de ce coin de paradis minéralogique.
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